Nousautres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, dâempires coulĂ©s Ă pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siĂšcles avec leurs dieux et leurs lois, leurs acadĂ©mies et leurs sciences pures et appliquĂ©es ; avec leurs grammaires, leurs
23 juin 2019 7 23 /06 /juin /2019 1133 Ă©crivait Paul ValĂ©ry. En Ă©cho, derniĂšrement, Amin Maalouf sort un livre dont le titre est Le naufrage des civilisations. Bienheureux le temps oĂč on pouvait encore Ă©crire civilisation au pluriel. La disparition de lâune nâĂ©tait pas la disparition des autres. Restait Ă la part dâespĂšce humaine, dont la civilisation sâĂ©tait tarie ou avait Ă©tĂ© anĂ©antie, la possibilitĂ© dâen faire Ă©merger une autre. Surtout, ce nâĂ©tait pas la disparition entiĂšre de lâespĂšce humaine. DĂ©sormais, que la civilisation devenue planĂ©taire, uniforme, univoque, vienne Ă disparaitre, voici le monde plongĂ© dans les tĂ©nĂšbres. Mais si ce nâĂ©tait que cela, il resterait Ă lâespĂšce humaine, aprĂšs un long processus de rĂ©gĂ©nĂ©ration, dâen proposer une autre. Ces derniĂšres dĂ©cennies ont Ă©tĂ© le moment de progrĂšs scientifiques, techniques,⊠tels, et dans de nombreux domaines, que, pour la premiĂšre fois dans lâhistoire de lâHumanitĂ©, il nous est donnĂ© dâapporter des solutions Ă des problĂšmes oĂč, jusquâici, cela sâĂ©tait avĂ©rĂ© impossible. Au lieu de quoi, ces progrĂšs, utilisĂ©s Ă dâautres fins que de servir le bien commun, produisent des outils et une pensĂ©e qui conduisent inexorablement Ă notre disparition en tant quâespĂšce. Ce qui est bien plus grave que la disparition dâune civilisation. Il est toujours regrettable de voir disparaĂźtre une civilisation â nous nous appauvrissons de la diversitĂ© quâelle proposait, nous perdons des propositions alternatives. Il est grave de se donner Ă une seule. La mondialisation porte en germe notre extinction. Aussi, il nous faut Ćuvrer pour le local, contre le global. Il nous faut vouloir le petit, contre le grand. Le droit Ă lâexercice de la diffĂ©rence, que ce soit dans le cadre de la rĂ©flexion politique, Ă©conomique, dans celui des modĂšles de sociĂ©tĂ©. Il nous faut lutter contre lâuniformisation, la pensĂ©e unique et globalisĂ©e. Cela suppose que nous demeurions souverains, que nous conservions le territoire sur lequel exercer cette souverainetĂ©, que les Ă©tats retrouvent leur capacitĂ© dâexercer leur puissance face aux gĂ©ants industriels qui ont pris le pouvoir. Nous autres, appartenant Ă lâespĂšce humaine, nous savons maintenant que, dans le cadre de la mondialisation, nous sommes mortels parce que nous perdons la maĂźtrise de notre avenir au travers dâaccords commerciaux qui, nâayant que faire de la permanence de lâĂ©cosystĂšme, du sort des ĂȘtres humains, nâont dâautre visĂ©e que servir le profit immĂ©diat et privĂ© de quelques uns. Ironie, ceux, Ă qui profite ce crime qui est la disparition programmĂ©e de lâespĂšce humaine, sont appelĂ©s, eux aussi, Ă disparaĂźtre. Câest dire Ă quel degrĂ© de bĂȘtise ils sont rendus. Nous sommes rendus, nous le grand nombre, pour ne pas rĂ©agir. Jadis, les civilisations Ă©taient mortelles. DĂ©sormais, nous savons que notre espĂšce lâest. Câest une autre paire de manches.
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Introduction: « Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ». Cette phrase cĂ©lĂšbre, rĂ©digĂ©e par Paul ValĂ©ry en 1919 figure dans un essai, publiĂ© Ă la NFR, Ă©tant intitulĂ© La crise de LâEsprit, qui par ailleurs sert de dĂ©but de phrase Ă son texte philosophique VariĂ©tĂ© I. La date indiquĂ©e nous indique dĂ©jĂ le contexte histoire, nous sommes Ă un an de la
Le deal Ă ne pas rater Cartes PokĂ©mon sortie dâun nouveau coffret Ultra Premium ... Voir le deal philo Z'amis Forum des citoyens Philosophie 3 participantsAuteurMessageMorgan Kane******Sujet Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Sam 11 Nov - 1138 De Paul Valery, aprĂšs la premiĂšre guerre mondiale Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, dâempires coulĂ©s Ă pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siĂšcles avec leurs dieux et leurs lois, leurs acadĂ©mies et leurs sciences pures et appliquĂ©es, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions Ă travers lâĂ©paisseur de lâhistoire, les fantĂŽmes dâimmenses navires qui furent chargĂ©s de richesse et dâesprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces naufrages, aprĂšs tout, nâĂ©taient pas notre Ninive, Babylone Ă©taient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence mĂȘme. Mais France, Angleterre, Russie... ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que lâabĂźme de lâhistoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons quâune civilisation a la mĂȘme fragilitĂ© quâune vie. Les circonstances qui enverraient les Ćuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les Ćuvres de MĂ©nandre ne sont plus du tout inconcevables elles sont dans les nâest pas tout. La brĂ»lante leçon est plus complĂšte encore. Il nâa pas suffi Ă notre gĂ©nĂ©ration dâapprendre par sa propre expĂ©rience comment les plus belles choses et les plus antiques, et les plus formidables et les mieux ordonnĂ©es sont pĂ©rissables par accident ; elle a vu, dans lâordre de la pensĂ©e, du sens commun, et du sentiment, se produire des phĂ©nomĂšnes extraordinaires, des rĂ©alisations brusques de paradoxes, des dĂ©ceptions brutales de lâĂ©vidence. Je nâen citerai quâun exemple les grandes vertus des peuples allemands ont engendrĂ© plus de maux que lâoisivetĂ© jamais nâa créé de vices. Nous avons vu, de nos yeux vu, le travail consciencieux, lâinstruction la plus solide, la discipline et lâapplication les plus sĂ©rieuses, adaptĂ©s Ă dâĂ©pouvantables desseins. Tant dâhorreurs nâauraient pas Ă©tĂ© possibles sans tant de vertus. Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant dâhommes, dissiper tant de biens, anĂ©antir tant de villes en si peu de temps ; mais il a fallu non moins de qualitĂ©s morales. Savoir et Devoir, vous ĂȘtes donc suspects ?_________________Tout smouales Ă©taient les borogoves NellyAdminSujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Sam 18 Nov - 1511 Morgan Kane a Ă©crit Je nâen citerai quâun exemple les grandes vertus des peuples allemands ont engendrĂ© plus de maux que lâoisivetĂ© jamais nâa créé de vices. Nous avons vu, de nos yeux vu, le travail consciencieux, lâinstruction la plus solide, la discipline et lâapplication les plus sĂ©rieuses, adaptĂ©s Ă dâĂ©pouvantables desseins. Dur, ton texte !Les vertus du peuple allemand... Faut-il les appeler ainsi ? Tout le peuple est-il responsable ? Certes, un tarĂ© bien entourĂ© a Ă©tĂ© dĂ©mocratiquement Ă©lu, mais ne faisons-nous pas les mĂȘme erreurs, nous autres Français, bien moins vertueux ?Combien d'Ă©lecteurs auraient peu imaginer l'horreur qui s'en est suivie ? Morgan Kane a Ă©crit Tant dâhorreurs nâauraient pas Ă©tĂ© possibles sans tant de vertus. Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant dâhommes, dissiper tant de biens, anĂ©antir tant de villes en si peu de temps ; mais il a fallu non moins de qualitĂ©s morales. Savoir et Devoir, vous ĂȘtes donc suspects ? Tu sais bien que le peuple suit celui qui parle bien ! Tellement de gens se font avoir eux-mĂȘmes en toute honnĂȘtetĂ© vertu en espĂ©rant vivre mieux et en croyant que ce qu'on leur dit est bon. Certes, nous sommes tous des Ă©goĂŻstes, quelque part, ce qui n'est pas une vertu, mais la Ă toi InvitĂ© et reviens nous voir souvent. Pestoune***Sujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Mer 17 Juin - 530 Nous l'avons toujours su mais il faut rĂ©guliĂšrement des piqĂ»res de rappel. Ce qu'il se passe en ce moment, c'en est une aussi. On assiste Ă l'effondrement mondial de l'Ă©conomie, du monde du travail. Un petit virus de rien a mis Ă terre le monde de l'entreprise. Des tas d'entreprises ne se relĂšveront pas entrainant Ă leur suite des ouvriers qui se retrouveront sans emploi. Aujourd'hui on nous demande de travailler plus pour compenser les pertes financiĂšres. Certes mais comment faire quand il n'y a plus de travail. Un monde se meurt. Qu'en renaĂźtra-t'il ? Morgan Kane******Sujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Mer 17 Juin - 610 Pestoune a Ă©crit Nous l'avons toujours su mais il faut rĂ©guliĂšrement des piqĂ»res de rappel. Ce qu'il se passe en ce moment, c'en est une aussi. On assiste Ă l'effondrement mondial de l'Ă©conomie, du monde du travail. Un petit virus de rien a mis Ă terre le monde de l'entreprise. Des tas d'entreprises ne se relĂšveront pas entrainant Ă leur suite des ouvriers qui se retrouveront sans emploi. Aujourd'hui on nous demande de travailler plus pour compenser les pertes financiĂšres. Certes mais comment faire quand il n'y a plus de travail. Un monde se meurt. Qu'en renaĂźtra-t'il ? Compte tenu du rĂšgne de la finance et du marchĂ©, une tentative dĂ©sespĂ©rĂ©e de reconstruire le monde d'avant ..... jusqu'Ă la catastrophe finale .... Ce forum ne faisant pas de politique politicienne, je n'en dis pas plus. _________________Tout smouales Ă©taient les borogoves Pestoune***Sujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Mer 17 Juin - 820 Morgane Kane a Ă©crit Ce forum ne faisant pas de politique politicienne, je n'en dis pas plus je l'avais bien compris en vous lisant et tant mieux c'est pourquoi je n'ai pas approfondi ma pensĂ©e. NĂ©anmoins ce n'est pas politique de dire qu'on assiste Ă un effondrement du monde tel que nous l'avons connu. Mais que hĂ©las les dirigeants mondiaux continuent de s'accrocher Ă ce modĂšle. Il est temps de penser autre chose. Ce serait un travail commun Ă faire entre tous les pays. Un travail collĂ©gial qui donnerait une autre direction Ă l'humanitĂ©. Mais il faut que l'effondrement soit total pour que l'homme accepte la dĂ©faite. Il faut que le monde souffre pour renaĂźtre. C'est le triste constat de notre Histoire humaine. NellyAdminSujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Mer 17 Juin - 1259 Pestoune a Ă©crit Morgane Kane a Ă©crit Ce forum ne faisant pas de politique politicienne, je n'en dis pas plus je l'avais bien compris en vous lisant et tant mieux c'est pourquoi je n'ai pas approfondi ma pensĂ©e. NĂ©anmoins ce n'est pas politique de dire qu'on assiste Ă un effondrement du monde tel que nous l'avons connu. Mais que hĂ©las les dirigeants mondiaux continuent de s'accrocher Ă ce modĂšle. Il est temps de penser autre chose. Ce serait un travail commun Ă faire entre tous les pays. Un travail collĂ©gial qui donnerait une autre direction Ă l'humanitĂ©. N'est-ce pas utopique ? Nous ne sommes mĂȘme pas en mesure de nous entendre dans le mĂȘme pays, d'ĂȘtre solidaires en Europe pour faire front. Pestoune a Ă©crit Mais il faut que l'effondrement soit total pour que l'homme accepte la dĂ©faite. Il faut que le monde souffre pour renaĂźtre. C'est le triste constat de notre Histoire humaine. _________________Bienvenue Ă toi InvitĂ© et reviens nous voir souvent. Pestoune***Sujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Mer 17 Juin - 1408 Nelly a Ă©crit N'est-ce pas utopique ? Nous ne sommes mĂȘme pas en mesure de nous entendre dans le mĂȘme pays, d'ĂȘtre solidaires en Europe pour faire front. D'oĂč mon emploi du conditionnel Contenu sponsorisĂ©Sujet Re Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Page 1 sur 1 Sujets similaires» SOMMES NOUS ENCORE CAPABLES DE NOUS SENTIR RESPONSABLES» Sommes nous responsables de ce que nous sommes ? » ĂTRE ZEN LE SAVONS NOUS?» Du coq Ă l'Ăąne, comportements et instincts, oĂč en sommes nous?» Philosophie et MediasPermission de ce forumVous ne pouvez pas rĂ©pondre aux sujets dans ce forumphilo Z'amis Forum des citoyens PhilosophieSauter vers
Nousautres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles; nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, ⊠Ennemi mortel. Personne qui en hait une autre ou qui en est profondément haïe. Chacun y eût gardé la parole pendant vingt minutes et fût resté l'ennemi mortel de son antagoniste dans la discussion (Stendhal, Souv. égotisme, 1832,
DĂ©finition, traduction, prononciation, anagramme et synonyme sur le dictionnaire libre Wiktionnaire. Français[modifier le wikicode] Ătymologie[modifier le wikicode] ComposĂ© de nous et de autres. Pronom personnel [modifier le wikicode] nous autres \ masculin et fĂ©minin identiques, pluriel Nous, par opposition Ă vous. â Note Pronom de la premiĂšre personne du pluriel exclusif. Ah ! si nous avions Ă©tĂ© lĂ , nous autres, de tous ces Allemands qui sont entrĂ©s en France pas un ne serait sorti vivant. Nos draks, nos feux follets les auraient conduits dans des fondriĂšres. â Alphonse Daudet, Les fĂ©es de France, dans Contes du lundi, 1873, Fasquelle, collection Le Livre de Poche, 1974, page 150 Vois-tu, mon cher confident⊠pour nous autres pauvres gentilshommes qui ne voulons pas Ă©migrer, on vit trop mal chez lâĂ©tranger⊠nous nâavons quâun parti Ă prendre, câest de nous dĂ©blasonner et de donner des gages Ă la RĂ©volution⊠â La France dramatique au dix-neuviĂšme siĂšcle ; Renaissance, Carte blanche, comĂ©die en un acte, 1839, page 62 Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. â Paul ValĂ©ry, La Crise de lâesprit », dans VariĂ©tĂ© I et II, Folio Essais, page 13 Louisiane Canada Familier Nous inclusif ou exclusif. La petite est venue avec nous autres. Câest nous autres que Paul a saluĂ©s de la main. Nous autres, on part tout de suite. Notes[modifier le wikicode] En français louisianais il a totalement supplantĂ© nous. Variantes orthographiques[modifier le wikicode] nous-autres Vocabulaire apparentĂ© par le sens[modifier le wikicode] eux autres vous autres Traductions[modifier le wikicode] Locution nominale [modifier le wikicode] nous autres \ masculin et fĂ©minin identiques, pluriel Nouvelle-CalĂ©donie Familier Nous inclusif ou exclusif. Les nous autres du Caillou â Christine Pauleau, Le français de Nouvelle-CalĂ©donie, EDICEF, 1995, ISBN 9782841290239, page 97. RĂ©fĂ©rences[modifier le wikicode] Denis Dumas, Nos façons de parler Les prononciations en français quĂ©bĂ©cois, 1987, ISBN 9782760504455. Julie Auger, Pronominal Clitics in QuĂ©bec Colloquial French A Morphological Analysis, dissertation, University of Pennsylvania, 1994.
Nousautres, civilisations « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » Paul Valery. Labels: quote. Newer Post Older Post Home. Search This Blog. Welcome ! A Message from your host (1) Posts on Thomas Mann (15) William Golding (11) Mikhail Bulgakov (8) Gustave Flaubert (6) Peter Matthiessen (5) Anthony Burgess
Curieux insatiables, nos contemporains s'interrogent sans fin sur les civilisations. Un ministre de l'IntĂ©rieur a pu ainsi observer Contrairement Ă ce que dit l'idĂ©ologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas âŠ. Celles qui dĂ©fendent l'humanitĂ© nous paraissent plus avancĂ©es que celles qui la nient. Celles qui dĂ©fendent la libertĂ©, l'Ă©galitĂ© et la fraternitĂ©, nous paraissent supĂ©rieures Ă celles qui acceptent la tyrannie, la minoritĂ© des femmes, la haine sociale ou ethnique » Claude GuĂ©ant, 4 fĂ©vrier 2012. Le propos a fait polĂ©mique en raison du flou qui entoure le mot civilisations » au pluriel. Demandons-nous ce que recouvre ce mot que le ministre français a employĂ© en lieu et place du mot sociĂ©tĂ©s ». On peut lĂ©gitimement prĂ©fĂ©rer la sociĂ©tĂ© allemande du temps de Bach Ă la sociĂ©tĂ© allemande du temps de Hitler mĂȘme si lâune et lâautre relĂšvent de la culture allemande, elle-mĂȘme partie intĂ©grante de la civilisation europĂ©enne. Allons-nous pour autant vers une civilisation planĂ©taire construite autour de valeurs universelles ? Rien nâest moins sĂ»r⊠AndrĂ© LaranĂ©, avec la contribution d'Isabelle GrĂ©gor Pas de civilisation » avant le XVIIIe siĂšcle ! Bien que dâapparence commune, le mot civilisation » nâa que trois siĂšcles dâexistence. Il est issu du latin civis, c'est-Ă -dire citoyen, et de civitas, qui dĂ©signe la citĂ©, autrement dit lâensemble des citoyens. Il apparaĂźt dâabord dans le vocabulaire juridique pour dĂ©signer le fait de rendre civile une matiĂšre criminelle ! C'est au siĂšcle des LumiĂšres qu'il commence Ă se montrer dans un sens moderne. On le repĂšre en 1758 dans LâAmi des Hommes, un essai politique de Victor Riqueti de Mirabeau, le pĂšre du tribun rĂ©volutionnaire C'est la religion le premier ressort de la civilisation », c'est-Ă -dire qui rend les hommes plus aptes Ă vivre ensemble. On le retrouve en 1770 dans LâHistoire des Deux Indes, un ouvrage majeur du siĂšcle des LumiĂšres, attribuĂ© Ă lâabbĂ© de Raynal et plus probablement Ă Diderot La civilisation d'un empire est un ouvrage long et difficile ». Dans cet ouvrage, le mot civilisation » est employĂ© comme synonyme de rendre policĂ© » de polis, citĂ© en grec. Il exprime le processus qui permet aux hommes de sâĂ©lever au-dessus de lâĂ©tat de nature, en corrĂ©lation avec le dĂ©veloppement des villes. Ă ce propos, il nâest pas anodin dâobserver que les adjectifs apparentĂ©s civilisĂ© », policĂ© » et urbain » au sens dâurbanitĂ© viennent de mots latins ou grecs qui dĂ©signent tous la ville ou la citĂ© civitas, polis, urbs. En 1795, Ă la fin de la RĂ©volution, le mot civilisation a les honneurs du dictionnaire de l'AcadĂ©mie française avec la dĂ©finition suivante Action de civiliser, ou Ă©tat de ce qui est civilisĂ© ». L'Ă©dition de 1872 est plus prĂ©cise Ătat de ce qui est civilisĂ©, c'est-Ă -dire ensemble des opinions et des mĆurs qui rĂ©sulte de l'action rĂ©ciproque des arts industriels, de la religion, des beaux-arts et des sciences ». Elle ne porte pas de jugement de valeur ni nâĂ©tablit de comparaison entre diffĂ©rentes formes de civilisations. Le barbare n'est pas celui qu'on croit Les jugements de valeur ont longtemps Ă©tĂ© Ă©trangers Ă la pensĂ©e occidentale. Quand les anciens Grecs inventent le mot barbare, il sâagit simplement d'une onomatopĂ©e par laquelle ils dĂ©signent les gens qui ne parlent pas leur langue. Le sens du mot Ă©volue Ă la fin de lâAntiquitĂ© quand, choquĂ©s par la violence des invasions germaniques, les Romains commencent Ă opposer sauvagerie et civilisation humanitas. Le mot barbare prend alors une consonance pĂ©jorative en dĂ©signant l'ensemble des peuples hostiles qui vivent aux confins de l'empire. Mais les Romains et leurs hĂ©ritiers, chrĂ©tiens Ă lâouest, majoritairement musulmans Ă lâest, demeurent Ă©trangers aux jugements de valeur et plus encore aux catĂ©gories raciales. Au Moyen Ăge, pour les disciples du Christ comme pour ceux de Mahomet, tous les hommes ont vocation Ă rejoindre leur foi. Ă ce propos, retenons lâobservation ironique de l'historien britannique Arnold Toynbee, publiĂ©e en 1972 Au lieu de diviser lâhumanitĂ© comme nous le faisons, en hommes de race blanche et en hommes de couleur, nos ancĂȘtres les divisaient en chrĂ©tiens et en paĂŻens. Nous ne pouvons manquer dâavouer que leur dichotomie valait mieux que la nĂŽtre tant sur le plan de lâesprit que de la morale» LâHistoire, Elsevier, 1972, traduction 1978. Curieux de tout, les EuropĂ©ens du Moyen Ăge, une fois quâils eurent fait le tour de leur monde imaginaire bestiaire, gargouillesâŠ, sâĂ©chappĂšrent de lâĂ©troite fin de terre » dans laquelle ils sont piĂ©gĂ©s. Ils empruntĂšrent la seule voie qui leur fut ouverte, la voie ocĂ©anique, et c'est ainsi qu' Ils regardaient monter en un ciel ignorĂ©/Du fond de lâOcĂ©an des Ă©toiles nouvelles » JosĂ© Maria de Heredia. Brutales rencontres La rencontre avec les peuples du Nouveau Monde est brutale, dâautant plus meurtriĂšre que sâimmisce le flĂ©au des Ă©pidĂ©mies. Elle rĂ©vĂšle aussi aux EuropĂ©ens lâinfinie diversitĂ© de la condition humaine Mais quoi, ils ne portent point de hauts-de-chausses ! » Cette rĂ©flexion amusĂ©e conclut le passage des Essais rĂ©digĂ© par Montaigne aprĂšs sa rencontre avec trois Indiens du BrĂ©sil, Ă Rouen, en 1562. Montaigne ne sâen tient pas lĂ . DĂ©crivant les mĆurs cruelles des cannibales » dico, il ajoute Je trouve, pour revenir Ă mon propos, quâil nây a rien de barbare et de sauvage en cette nation, Ă ce quâon mâen a rapportĂ© sinon que chacun appelle barbarie, ce qui nâest pas de son usage ». Et prĂ©cise Je pense quâil y a plus de barbarie Ă manger un homme vivant quâĂ le manger mort, Ă dĂ©chirer par tourments et par gĂ©hennes, un corps encore plein de sentiment, Ă le faire rĂŽtir par le menu ». La critique vise ses contemporains qui se dĂ©chirent dans les guerres de religion. Montaigne les amĂšne Ă rĂ©flĂ©chir sur leur conduite par une mise en parallĂšle avec une autre conduite, le cannibalisme, que son Ă©loignement permet dâobserver avec dĂ©tachement. Cette dĂ©marche sera reprise un siĂšcle plus tard par Montesquieu dans les Lettres persanes. Ses deux hĂ©ros, Usbek et Rica, par leur questionnement sur la sociĂ©tĂ© française, amĂšnent les lecteurs Ă remettre en question leurs certitudes. Pour ces penseurs Ă©clairĂ©s, il sâagit non pas de condamner ou rĂ©prouver mais simplement de faire progresser des pratiques figĂ©es dans lâhabitude et la routine. En prĂ©venant les Occidentaux contre le pĂ©chĂ© dâarrogance et le sentiment quâils nâont rien Ă apprendre de quiconque, lâouverture aux sociĂ©tĂ©s Ă©trangĂšres devient un moteur de lâinnovation. Elle sâavĂšre efficace si lâon en juge par la liste des emprunts Ă©trangers dans les sociĂ©tĂ©s de la Renaissance et du siĂšcle des LumiĂšres, depuis le tabac, originaire du BrĂ©sil, jusquâau recrutement des hauts fonctionnaires par concours, selon la pratique chinoise du mandarinat. PubliĂ© ou mis Ă jour le 2021-08-23 053815
Ouvrage Vous autres, civilisations, savez maintenant que vous ĂȘtes mortelles. De la contre-utopie; Pages: 9 Ă 30; Collection: Ătudes de littĂ©rature des xx e et xxi e siĂšcles, n° 96; Autres informations âź ISBN: 6-9; ISSN: 2260-7498; DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10756-9.p.0009; Ăditeur: Classiques Garnier; Mise en ligne: 29/03/2021; Langue: Français; Chapitre
Une entrevue de Paul-Marie CoĂ»teaux. La pensĂ©e chrĂ©tienne, une rĂ©volution pour chaque vie. LâabbĂ© de TanouĂ€rn joue un rĂŽle important dans la vie religieuse, mais aussi politique, deux domaines quâil ne sĂ©pare jamais, tenant quâil nây a pas de religion sans dimension politique et moins encore de politique qui vaille sans un constant souci religieux, comme il le montre Ă la tĂȘte du mensuel Monde & Vie, multipliant aussi les ouvrages, confĂ©rences et enseignements. Car ce trĂšs actif prĂȘtre catholique est dâabord un thĂ©ologien, et un philosophe qui montre ici, en retraçant pas Ă pas son parcours original admirateur de Mgr Lefebvre, il fut ordonnĂ© prĂȘtre de la FraternitĂ© Sacerdotale Saint Pie X Ă EcĂŽne avant de revenir dans le giron de Rome, que la foi, voix du cĆur, est aussi une oeuvre de lâesprit, une construction intellectuelle de chaque jour qui rĂ©volutionne toute vie.
Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ", Ă©crit ValĂ©ry dans la cĂ©lĂšbre "PremiĂšre Lettre" de "La crise de l'esprit" qui ouvre VariĂ©tĂ© 7. A la mĂȘme Ă©poque en 1919, que pense Gide de notre civilisation occidentale, agonisante aprĂšs la dĂ©liquescence de l'Histoire qui suit la premiĂšre Guerre Mondiale ? Interrogation curieuse : soumettre Ă Gide
par Paul ValĂ©ry 1871-1945, La Crise de lâesprit 1919 Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, dâempires coulĂ©s Ă pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siĂšcles avec leurs dieux et leurs lois, leurs acadĂ©mies et leurs sciences pures et appliquĂ©es ; avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions Ă travers lâĂ©paisseur de lâhistoire, les fantĂŽmes dâimmenses navires qui furent chargĂ©s de richesse et dâesprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces naufrages, aprĂšs tout, nâĂ©taient pas notre affaire. Ălam, Ninive, Babylone Ă©taient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence mĂȘme. Mais France, Angleterre, Russie⊠ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que lâabĂźme de lâhistoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons quâune civilisation a la mĂȘme fragilitĂ© quâune vie. Les circonstances qui enverraient les oeuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les oeuvres de MĂ©nandre ne sont plus du tout inconcevables elles sont dans les journaux. â Ce nâest pas tout. La brĂ»lante leçon est plus complĂšte encore. Il nâa pas suffi Ă notre gĂ©nĂ©ration dâapprendre par sa propre expĂ©rience comment les plus belles choses et les plus antiques, et les plus formidables et les mieux ordonnĂ©es sont pĂ©rissables par accident ; elle a vu, dans lâordre de la pensĂ©e, du sens commun, et du sentiment, se produire des phĂ©nomĂšnes extraordinaires, des rĂ©alisations brusques de paradoxes, des dĂ©ceptions brutales de lâĂ©vidence. Je nâen citerai quâun exemple les grandes vertus des peuples allemands ont engendrĂ© plus de maux que lâoisivetĂ© jamais nâa créé de vices. Nous avons vu, de nos yeux vu, le travail consciencieux, lâinstruction la plus solide, la discipline et lâapplication les plus sĂ©rieuses, adaptĂ©s Ă dâĂ©pouvantables desseins. Tant dâhorreurs nâauraient pas Ă©tĂ© possibles sans tant de vertus. Il a fallu, sans doute, beaucoup de science pour tuer tant dâhommes, dissiper tant de biens, anĂ©antir tant de villes en si peu de temps ; mais il a fallu non moins de qualitĂ©s morales. Savoir et Devoir, vous ĂȘtes donc suspects ? â Ainsi la PersĂ©polis spirituelle nâest pas moins ravagĂ©e que la Suse matĂ©rielle. Tout ne sâest pas perdu, mais tout sâest senti pĂ©rir. Un frisson extraordinaire a couru la moelle de lâEurope. Elle a senti, par tous ses noyaux pensants, quâelle ne se reconnaissait plus, quâelle cessait de se ressembler, quâelle allait perdre conscience â une conscience acquise par des siĂšcles de malheurs supportables, par des milliers dâhommes du premier ordre, par des chances gĂ©ographiques, ethniques, historiques innombrables. Alors, â comme pour une dĂ©fense dĂ©sespĂ©rĂ©e de son ĂȘtre et de son avoir physiologiques, toute sa mĂ©moire lui est revenue confusĂ©ment. Ses grands hommes et ses grands livres lui sont remontĂ©s pĂȘle-mĂȘle. Jamais on nâa tant lu, ni si passionnĂ©ment que pendant la guerre demandez aux libraires. Jamais on nâa tant priĂ©, ni si profondĂ©ment demandez aux prĂȘtres. On a Ă©voquĂ© tous les sauveurs, les fondateurs, les protecteurs, les martyrs, les hĂ©ros, les pĂšres des patries, les saintes hĂ©roĂŻnes, les poĂštes nationaux⊠Et dans le mĂȘme dĂ©sordre mental, Ă lâappel de la mĂȘme angoisse, lâEurope cultivĂ©e a subi la reviviscence rapide de ses innombrables pensĂ©es dogmes, philosophies, idĂ©aux hĂ©tĂ©rogĂšnes ; les trois cents maniĂšres dâexpliquer le Monde, les mille et une nuances du christianisme, les deux douzaines de positivismes tout le spectre de la lumiĂšre intellectuelle a Ă©talĂ© ses couleurs incompatibles, Ă©clairant dâune Ă©trange lueur contradictoire lâagonie de lâĂąme europĂ©enne. Tandis que les inventeurs cherchaient fiĂ©vreusement dans leurs images, dans les annales des guerres dâautrefois, les moyens de se dĂ©faire des fils de fer barbelĂ©s, de dĂ©jouer les sous-marins ou de paralyser les vols des avions, lâĂąme invoquait Ă la fois toutes les puissances transcendantes, prononçait toutes les incantations quâelle savait, considĂ©rait sĂ©rieusement les plus bizarres prophĂ©ties ; elle se cherchait des refuges, des indices, des consolations dans le registre entier des souvenirs, des actes antĂ©rieurs, des attitudes ancestrales. Et ce sont lĂ les produits connus de lâanxiĂ©tĂ©, les entreprises dĂ©sordonnĂ©es du cerveau qui court du rĂ©el au cauchemar et retourne du cauchemar au rĂ©el, affolĂ© comme le rat tombĂ© dans la trappe⊠La crise militaire est peut-ĂȘtre finie. La crise Ă©conomique est visible dans toute sa force ; mais la crise intellectuelle, plus subtile, et qui, par sa nature mĂȘme, prend les apparences les plus trompeuses puisquâelle se passe dans le royaume mĂȘme de la dissimulation, cette crise laisse difficilement saisir son vĂ©ritable point, sa phase. Personne ne peut dire ce qui demain sera mort ou vivant en littĂ©rature, en philosophie, en esthĂ©tique. Nul ne sait encore quelles idĂ©es et quels modes dâexpression seront inscrits sur la liste des pertes, quelles nouveautĂ©s seront proclamĂ©es. Lâespoir, certes, demeure et chante Ă demi-voix Et cum vorandi vicerit libidinem Late triumphet imperator spiritus Mais lâespoir nâest que la mĂ©fiance de lâĂȘtre Ă lâĂ©gard des prĂ©visions prĂ©cises de son esprit. Il suggĂšre que toute conclusion dĂ©favorable Ă lâĂȘtre doit ĂȘtre une erreur de son esprit. Les faits, pourtant, sont clairs et impitoyables. Il y a des milliers de jeunes Ă©crivains et de jeunes artistes qui sont morts. Il y a lâillusion perdue dâune culture europĂ©enne et la dĂ©monstration de lâimpuissance de la connaissance Ă sauver quoi que ce soit ; il y a la science, atteinte mortellement dans ses ambitions morales, et comme dĂ©shonorĂ©e par la cruautĂ© de ses applications ; il y a lâidĂ©alisme, difficilement vainqueur, profondĂ©ment meurtri, responsable de ses rĂȘves ; le rĂ©alisme déçu, battu, accablĂ© de crimes et de fautes ; la convoitise et le renoncement Ă©galement bafouĂ©s ; les croyances confondues dans les camps, croix contre croix, croissant contre croissant ; il y a les sceptiques eux-mĂȘmes dĂ©sarçonnĂ©s par des Ă©vĂ©nements si soudains, si violents, si Ă©mouvants, et qui jouent avec nos pensĂ©es comme le chat avec la souris, â les sceptiques perdent leurs doutes, les retrouvent, les reperdent, et ne savent plus se servir des mouvements de leur esprit. Lâoscillation du navire a Ă©tĂ© si forte que les lampes les mieux suspendues se sont Ă la fin renversĂ©es. â Ce qui donne Ă la crise de lâesprit sa profondeur et sa gravitĂ©, câest lâĂ©tat dans lequel elle a trouvĂ© le patient. Je nâai ni le temps ni la puissance de dĂ©finir lâĂ©tat intellectuel de lâEurope en 1914. Et qui oserait tracer un tableau de cet Ă©tat ? Le sujet est immense ; il demande des connaissances de tous les ordres, une information infinie. Lorsquâil sâagit, dâailleurs, dâun ensemble aussi complexe, la difficultĂ© de reconstituer le passĂ©, mĂȘme le plus rĂ©cent, est toute comparable Ă la difficultĂ© de construire lâavenir, mĂȘme le plus proche ; ou plutĂŽt, câest la mĂȘme difficultĂ©. Le prophĂšte est dans le mĂȘme sac que lâhistorien. Laissons-les-y. Mais je nâai besoin maintenant que du souvenir vague et gĂ©nĂ©ral de ce qui se pensait Ă la veille de la guerre, des recherches qui se poursuivaient, des Ćuvres qui se publiaient. Si donc je fais abstraction de tout dĂ©tail, et si je me borne Ă lâimpression rapide, et Ă ce total naturel que donne une perception instantanĂ©e, je ne vois â rien ! â Rien, quoique ce fĂ»t un rien infiniment riche. Les physiciens nous enseignent que dans un four portĂ© Ă lâincandescence, si notre Ćil pouvait subsister, il ne verrait â rien. Aucune inĂ©galitĂ© lumineuse ne demeure et ne distingue les points de lâespace. Cette formidable Ă©nergie enfermĂ©e aboutit Ă lâinvisibilitĂ©, Ă lâĂ©galitĂ© insensible. Or, une Ă©galitĂ© de cette espĂšce nâest autre chose que le dĂ©sordre Ă lâĂ©tat parfait. Et de quoi Ă©tait fait ce dĂ©sordre de notre Europe mentale ? â De la libre coexistence dans tous les esprits cultivĂ©s des idĂ©es les plus dissemblables, des principes de vie et de connaissance les plus opposĂ©s. Câest lĂ ce qui caractĂ©rise une Ă©poque moderne. Je ne dĂ©teste pas de gĂ©nĂ©raliser la notion de moderne, et de donner ce nom Ă certain mode dâexistence, au lieu dâen faire un pur synonyme de contemporain. Il y a dans lâhistoire des moments et des lieux oĂč nous pourrions nous introduire, nous modernes, sans troubler excessivement lâharmonie de ces temps-lĂ , et sans y paraĂźtre des objets infiniment curieux, infiniment visibles, des ĂȘtres choquants, dissonants, inassimilables. OĂč notre entrĂ©e ferait le moins de sensation, lĂ nous sommes presque chez nous. Il est clair que la Rome de Trajan, et que lâAlexandrie des PtolĂ©mĂ©es nous absorberaient plus facilement que bien des localitĂ©s moins reculĂ©es dans le temps, mais plus spĂ©cialisĂ©es dans un seul type de mĆurs et entiĂšrement consacrĂ©es Ă une seule race, Ă une seule culture et Ă un seul systĂšme de vie. Eh bien! lâEurope de 1914 Ă©tait peut-ĂȘtre arrivĂ©e Ă la limite de ce modernisme. Chaque cerveau dâun certain rang Ă©tait un carrefour pour toutes les races de lâopinion ; tout penseur, une exposition universelle de pensĂ©es. Il y avait des Ćuvres de lâesprit dont la richesse en contrastes et en impulsions contradictoires faisait penser aux effets dâĂ©clairage insensĂ© des capitales de ce temps-lĂ les yeux brĂ»lent et sâennuient⊠Combien de matĂ©riaux, combien de travaux, de calculs, de siĂšcles spoliĂ©s, combien de vies hĂ©tĂ©rogĂšnes additionnĂ©es a-t-il fallu pour que ce carnaval fĂ»t possible et fĂ»t intronisĂ© comme forme de la suprĂȘme sagesse et triomphe de lâhumanitĂ© ? â Dans tel livre de cette Ă©poque â et non des plus mĂ©diocres â on trouve, sans aucun effort â une influence des ballets russes, â un peu du style sombre de Pascal, â beaucoup dâimpressions du type Goncourt, quelque chose de Nietzsche, â quelque chose de Rimbaud, â certains effets dus Ă la frĂ©quentation des peintres, et parfois le ton des publications scientifiques, â le tout parfumĂ© dâun je ne sais quoi de britannique difficile Ă doser !⊠Observons, en passant, que dans chacun des composants de cette mixture, on trouverait bien dâautres corps. Inutile de les rechercher ce serait rĂ©pĂ©ter ce que je viens de dire sur le modernisme, et faire toute lâhistoire mentale de lâEurope. â Maintenant, sur une immense terrasse dâElsinore, qui va de BĂąle Ă Cologne, qui touche aux sables de Nieuport, aux marais de la Somme, aux craies de Champagne, aux granits dâAlsace, â lâHamlet europĂ©en regarde des millions de spectres. Mais il est un Hamlet intellectuel. Il mĂ©dite sur la vie et la mort des vĂ©ritĂ©s. Il a pour fantĂŽmes tous les objets de nos controverses ; il a pour remords tous les titres de notre gloire ; il est accablĂ© sous le poids des dĂ©couvertes, des connaissances, incapable de se reprendre Ă cette activitĂ© illimitĂ©e. Il songe Ă lâennui de recommencer le passĂ©, Ă la folie de vouloir innover toujours. Il chancelle entre les deux abĂźmes, car deux dangers ne cessent de menacer le monde lâordre et le dĂ©sordre. Sâil saisit un crĂąne, câest un crĂąne illustre. â Whose was it ? â Celui-ci fut Lionardo. Il inventa lâhomme volant, mais lâhomme volant nâa pas prĂ©cisĂ©ment servi les intentions de lâinventeur nous savons que lâhomme volant montĂ© sur son grand cygne il grande uccello sopra del dosso del suo magnio cecero a, de nos jours, dâautres emplois que dâaller prendre de la neige Ă la cime des monts pour la jeter, pendant les jours de chaleur, sur le pavĂ© des villes⊠Et cet autre crĂąne est celui de Leibniz qui rĂȘva de la paix universelle. Et celui-ci fut Kant, Kant qui genuit Hegel, qui genuit Marx, qui genuit⊠Hamlet ne sait trop que faire de tous ces crĂąnes. Mais sâil les abandonne !⊠Va-t-il cesser dâĂȘtre lui-mĂȘme ? Son esprit affreusement clairvoyant contemple le passage de la guerre Ă la paix. Ce passage est plus obscur, plus dangereux que le passage de la paix Ă la guerre ; tous les peuples en sont troublĂ©s. Et Moi, se dit-il, moi, lâintellect europĂ©en, que vais-je devenir ?⊠Et quâest-ce que la paix ? La paix est peut-ĂȘtre, lâĂ©tat de choses dans lequel lâhostilitĂ© naturelle des hommes entre eux se manifeste par des crĂ©ations, au lieu de se traduire par des destructions comme fait la guerre. Câest le temps dâune concurrence crĂ©atrice, et de la lutte des productions. Mais Moi, ne suis-je pas fatiguĂ© de produire ? Nâai-je pas Ă©puisĂ© le dĂ©sir des tentatives extrĂȘmes et nâai-je pas abusĂ© des savants mĂ©langes ? Faut-il laisser de cĂŽtĂ© mes devoirs difficiles et mes ambitions transcendantes ? Dois-je suivre le mouvement et faire comme Polonius, qui dirige maintenant un grand journal ? comme Laertes qui est quelque part dans lâaviation ? comme Rosenkrantz, qui fait je ne sais quoi sous un nom russe ? Adieu, fantĂŽmes ! Le monde nâa plus besoin de vous. Ni de moi. Le monde qui baptise du nom de progrĂšs sa tendance Ă une prĂ©cision fatale, cherche Ă unir aux bienfaits de la vie les avantages de la mort. Une certaine confusion rĂšgne encore, mais encore un peu de temps et tout sâĂ©claircira ; nous verrons enfin apparaĂźtre le miracle dâune sociĂ©tĂ© animale, une parfaite et dĂ©finitive fourmiliĂšre. »
Quisommes-nous ? LA REVUE . Culture Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus La Gourmandise Natale, par Charles Maurras. Culture & Civilisations vgauredijon-14 août 2022. La cuisine provençale selon Maurras ! Préface à l'ouvrage de M. Maurice BrunGroumandugi,
Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, dâempires coulĂ©s Ă pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins ; descendus au fond inexplorable des siĂšcles avec leurs dieux et leurs lois, leurs acadĂ©mies et leurs sciences pures et appliquĂ©es, avec leurs grammaires, leurs dictionnaires, leurs classiques, leurs romantiques et leurs symbolistes, leurs critiques et les critiques de leurs critiques. Nous savions bien que toute la terre apparente est faite de cendres, que la cendre signifie quelque chose. Nous apercevions Ă travers lâĂ©paisseur de lâhistoire, les fantĂŽmes dâimmenses navires qui furent chargĂ©s de richesse et dâesprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces naufrages, aprĂšs tout, nâĂ©taient pas notre affaire. Ălam, Ninive, Babylone Ă©taient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence mĂȘme. Mais France, Angleterre, Russie. .. ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que lâabĂźme de lâhistoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons quâune civilisation a la mĂȘme fragilitĂ© quâune vie. Les circonstances qui enverraient les Ćuvres de Keats et celles de Baudelaire rejoindre les Ćuvres de MĂ©nandre ne sont plus du tout inconcevables elles sont dans les journaux. Paul ValĂ©ryLe Dico des citations
PaulValéry : Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Paul Valéry La Crise de l' Esprit, premiÚre lettre (1919) Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.
La pandĂ©mie du coronavirus souligne non seulement â lâinsoutenable lĂ©gĂšretĂ© de lâĂȘtreâ mais de notre civilisation postmoderne et postindustrielle. Est-il concevable que, malgrĂ© les progrĂšs de la mĂ©decine, nous soyons rĂ©duits Ă nous calfeutrer chez nous pour prĂ©venir la propagation de la maladie ? Que resurgissent les grandes peurs, comme celles que provoquait la peste au Moyen-Ăąge ? Grandeur et misĂšre de la condition humaine ! Les dieux ont-ils voulu punir les hommes d'avoir voulu les Ă©galer aprĂšs les avoir mis Ă mort ? L'avĂšnement d'un " Homo deus" prophĂ©tisĂ© par Shlomo Sand paraĂźt bien lointain face au cataclysme viral de dimension biblique qui frappe aujourdâhui lâhumanitĂ©. Lâhistoire nous apprend quâaprĂšs les grandes crises il nây a jamais fermeture de la parenthĂšse. Il y aura certes un jour dâaprĂšs. Mais lâampleur de la crise Ă©conomique, sociale et politique pourrait nous mener vers un monde diffĂ©rent. A cela sâajouter les risques dâune crise morale comparable Ă celle qui sâest produite aprĂšs chacune des deux guerres mondiales qui ont Ă©tĂ© un choc pour lâidĂ©e de progrĂšs et de la croyance en un monde meilleur. Il a suffi dâun grain de sable pour gripper le mĂ©canisme de notre Ă©conomie mondialisĂ©e ; plus fragile parce que plus interconnectĂ©e que par le passĂ©. Le Fond MonĂ©taire International estime mĂȘme que le coronavirus pourrait engendrer les pires consĂ©quences Ă©conomiques au niveau mondial depuis la grande crise de 1929. Cette rĂ©cession va probablement freiner le processus de mondialisation, et de libre circulation des biens. Elle risque dâexacerber la guerre Ă©conomique entre la Chine d'une part et les Etats-Unis et l'Europe d'autre part. Ces derniers voudront sans doute amoindrir leur dĂ©pendance envers la Chine en relocalisant certaines industries. Quand lâEmpire du Milieu avait le monopole de la production de la soie, il prit des mesures drastiques afin dâempĂȘcher l'exportation de ce savoir-faire, avant que des marchands italiens ne parviennent finalement Ă en dĂ©rober le secret Ă la fin du Moyen-Ăąge. Plus naĂŻf, l'Occident a permis au cours des trois derniĂšres dĂ©cennies Ă la Chine de piller ses technologies et dâaccumuler un excĂ©dent commercial colossal Ă son dĂ©triment. Donald Trump a Ă©tĂ© le premier Ă prendre la mesure de ce danger. L'Europe lui emboĂźtera-t-elle le pas ? La maitrise dont a fait preuve la Chine pour juguler lâĂ©pidĂ©mie est en tout cas un indice rĂ©vĂ©lateur du dĂ©fi grandissant que pose Ă lâOccident son modĂšle autoritaire, sa puissance Ă©conomique et ses avancĂ©es technologiques, ainsi que du dĂ©placement du centre de gravitĂ© du monde vers l'Empire du plan politique, la crise a rĂ©vĂ©lĂ© Ă la fois les limites de la gouvernance mondiale dans le cadre de l'utopie appelĂ©e " communautĂ© internationale" et des gestes de solidaritĂ© de la part de certains pays, contrastant avec le repli nationaliste et Ă©goĂŻste dâautres pays. Câest ainsi par exemple que Cuba, la Chine et la Russie ont envoyĂ© des Ă©quipes mĂ©dicales pour aider l'Italie Ă lutter contre le coronavirus, contrairement Ă ses voisins et partenaires au sein de l'Union EuropĂ©enne l'Allemagne et la France, ce qui a suscitĂ© une profonde amertume de la part des Italiens. Certes finalement les membres de lâUnion EuropĂ©enne sont parvenus Ă un accord sur un fond de soutien commun Ă lâĂ©conomie qualifiĂ© de grand jour pour la solidaritĂ© europĂ©enne » par Berlin. Il nâen reste pas moins que la pandĂ©mie qui a surtout frappĂ© lâItalie et lâEspagne montre la fracture bĂ©ante entre les pays du Nord et du Sud de lâUnion EuropĂ©enne dĂ©jĂ Ă©branlĂ©e par le Brexit. Au niveau individuel, selon Boris Cyrulnik Il y a deux catĂ©gories de gens ceux qui vont souffrir du confinement et ceux qui le vivent comme une forme de ressourcement » Provoquera-t-il chez eux un changement de valeurs, de paradigmes ? Une revalorisation dâun mode de vie dâavantage en harmonie avec soi-mĂȘme, les autres et la nature. Au niveau global y aura-t-il un monde dâavant et dâaprĂšs la catastrophe ? Une remise en question du modĂšle Ă©conomique nĂ©olibĂ©ral ? Une rĂ©affirmation de la souverainetĂ© de lâEtat et un renforcement de la compĂ©tition entre Etats, ou au contraire une prise de conscience de la nĂ©cessitĂ© dâune meilleure coopĂ©ration face aux dĂ©fis communs quâaffronte lâhumanitĂ© ? Sâajoutant au rĂ©chauffement climatique dĂ©noncĂ© par sa jeune Cassandre, la crise provoquĂ©e par le coronavirus montre en tout cas quâil y a quelque chose qui ne tourne pas rond sur notre petite planĂšte. Et les habitants desautres planĂštes de notre galaxie doivent se rĂ©jouir que les hommes n'aient pas encore inventĂ© des vaisseaux spatiaux capables d'arriver jusquâĂ reineabbas
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